Le plateau ardéchois

Depuis longtemps, je suis attaché et me sens rattaché au plateau Ardéchois. Mes lieux d’enquête ne sont en effet pas bien loin, en Margeride (Lozère, Cantal, et Haute-Loire). Mais, justement, le plateau, pour moi, était comme une tentation. Je louchais sur lui pourrais-je dire, comme un complément et un prolongement de mes «terrains » habituels. À cause de cette proximité-éloignement il m’attirait. Un peu comme un territoire d’à côté. Pour mes enquêtes sur les cueillettes paysannes (et ici, je pense par exemple à la « foire à la violette » de Sainte-Eulalie), sur l’hiver (le déneigement autour de Coucouron et Le Béage auquel j’ai consacré avec un réalisateur un film : « l’Étrave et le baliveau »), ou encore sur le paysage, le plateau me servait de point d’extension et de comparaison. J’ai donc eu maintes occasions d’arpenter le Plateau, sur un chasse-neige (pour ce film, justement…), mais aussi pour des randonnées avec des amis autour du Mézenc.
N’étant ni géologue, ni historien, c’est en familier et observateur ethnologue de ces lieux que j’écris ici cette préface, en soulignant tout l’intérêt du beau travail accompli par Jean-Marc Gardès.
L’Auvergne, tout comme les Cévennes, proches elles aussi, font depuis longtemps de l’ombre et du tort au plateau Ardéchois (hélas, tout au moins c’est mon avis, rebaptisé « Montagne ardéchoise »). Il prend ici sa revanche ! Butinant, cueillant de-ci, de-là, de données en données, de citations en citations, Jean-Marc Gardès nous fait cheminer, lentement, avec rigueur aussi, dans ces lieux et ces paysages. Il sait aussi nous faire voyager dans le temps. L’Ardèche ne se résume pas à des clichés et des images d’Épinal. Jean Ferrat et sa célèbre chanson ont été à cet égard prémonitoires. Cet ouvrage est implicitement un manifeste pour une découverte d’une autre Ardèche, mais ce qui prime, c’est son côté encyclopédique. Nous est en effet proposée une « somme » où sont réunis, ordonnés et mis en perspective les travaux des historiens, ceux des botanistes, et autres spécialistes mais sont tout autant convoqués les ouvrages des historiens. Comme dans les «monographies » (en Histoire ou en Ethnologie), l’auteur nous fait partir des temps les plus anciens, avec la géologie, pour nous faire nous aventurer en sa compagnie dans le couvert végétal (avec la botanique et l’ethno-botanique), la faune, l’histoire (mention pour la très belle contribution de Christine Roure), celle des abbayes (dont il signale l’importance locale, trop méconnue) et de l’architecture vernaculaire. Le lecteur étant ensuite convié vers l’actualité avec le développement local, l’économie rurale, la démographie… et ensuite, la cuisine régionale du Plateau (eh oui !). Arrive enfin le morceau de bravoure, la cerise sur le gâteau si j’osais écrire…, avec de longues et bienvenues citations tirées de la littérature et des contes (bien choisis).
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