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20 mars 2018

Il me fallait maintenant affronter le deuxième roman de l'auteur, avec forcément la peur d'être déçue. Mais l'histoire d'amour continue encore un peu. Ce ne fut pas aussi intense que le premier rendez-vous mais j'ai pris un réel plaisir à rencontrer Laurent et à tenter de comprendre un à un les mystères qui l'entourent: pourquoi retourne-t'il dans le village de son enfance avec une femme qui s'appelle Claire mais qu'il nomme Constance? Qui est vraiment cette mère qui lui a un jour fait boire de l'eau de javel? Qui sont ces couples mis en scène dans le roman?
On tourne autour des questions, on sent se tisser la toile, surtout quand on connait déjà l'univers de Vincent Amendros et déjà on tente de percer les mystères de l'auteur. Pourquoi ce thème récurrent (oui, deux fois sur deux, ça devient récurrent), de l'enfant et de sa paternité, d'autant qu'ici le thème est décliné de deux manières? L'idée de filiation est omniprésente. Je ne peux pas beaucoup développer car c'est un roman qui mérite de ne pas être dévoilé mais c'est un auteur qui, sans aucun soute, doit être découvert. Si la forêt est sans nul doute le décor majeur de ce roman, c'est tout de même la scène de la baignade dans le lac qui me restera (l'eau est définitivement mon élément). On retiendra aussi de nombreuses images, celle des mouches et des urnes mortuaires notamment. On ne va pas se quitter tout de suite, Vincent Almendros et moi.

Les Éditions Noir sur Blanc

18,50
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27 février 2018

En lisant vaguement, pour ne pas trop en apprendre, les résumés de ce roman, je m'en étais fait une idée toute fausse. Certes, c'est l'histoire d'une femme qui pleure la disparition de son fils, mais pas sa mort. Un beau jour, frappé par le mari de sa mère, il est parti sans laisser de mot. C'est donc un roman de l'attente, comme l'évoque si bien le titre, mais c'est surtout pour moi le récit d'un double amour, l'amour d'une femme pour un enfant qu'elle n'a pas su garder près d'elle et celui d'un homme pour une femme, un amour qui date de l'enfance, mais qui ne s'étend pas au premier enfant de cette femme.
De Gaëlle Josse, j'ai beaucoup aimé Nos vies désaccordées mais pas Le dernier gardien d'Ellis Island. J'aime sa plume, aucun doute là-dessus mais parfois, elle ne me suffit pas. J'associe ses textes à de l'épure et à de la délicatesse, que j'ai retrouvés ici. Je vais situer ce roman entre les deux précédemment cités sur l'échelle de mes goûts. Il m'a fallu arriver à la moitié du roman pour commencer à l'aimer. Pendant les cent premières pages, je me suis dit que non, ça ne le faisait pas, que je n'entrais pas dans ce récit. Je n'aimais pas les lettres écrites au fils et je m'ennuyais. Et ce sont les hommes qui m'ont gagnée à leur cause, comme cela avait été le cas avec Nos vies désaccordés. Étienne, ce mari qui n'a pas été à la hauteur de l'amour qu'il porte depuis toujours à Anne, mais qui pourtant, l'a attendue avec une patience infinie, est un beau personnage d'homme, complexe comme je les aime. Et Louis, ce garçon qui part, qui n'est que peu présent mais qui traverse ce roman de part en part, a pris le relais. La scène finale m'a tout à fait cueillie, la gorge serrée et je me suis dis que, finalement, ce sont ces deux hommes-là m'avaient fait aimer ce roman. J'aime refermer un roman avec une image forte. Ici, impossible qu'il en soit autrement. Et il y a cette idée, lancinante, que nous sommes finalement toujours seuls :
Je ne sais s'il pense à mes absences, à mes secrets qu'il respecte sans trop les deviner. À cette grotte où nous vivons seuls, où personne ne peut entrer, à cette part obscure et inavouable que nous portons en nous.

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10 février 2018

Delphine de Vigan renoue avec le roman social et c'est pour moi une découverte car je n'avais lu que ses deux derniers romans. En général, je n'aime pas les romans qui se situent dans mon milieu professionnel; forcément, on a vite fait de trouver les personnages caricaturaux (je me souviens très bien d'un échange avec une copine avocate à propos du dernier Tanguy Viel, cela doit s'appliquer à toutes les professions). Des loyautés se lit vite et facilement mais je n'en retiendrai pas grand chose. Les personnages, comme les situations, vont vite s'effacer de ma mémoire. Il y a des moments touchants mais les couples de parents sont vraiment caricaturaux, même si évidemment, le couple de divorcés fera réfléchir les parents sur les phrases à retenir devant leurs enfants. Quand-même, cet homme qui quitte sa femme pour une autre, se fait quitter à son tour et sombre dans un puits sans fond, ça sent la vengeance de femme. L'autre père, d'ailleurs, est bien pire. Comme souvent dans les romans de l'auteure, il y a ce petit passage qui fait du bien aux femmes, celui où une femme balance ses quatre vérités à un homme en public. Avouons-le, ces passages réussis sont toujours réjouissants. Les profs mis en avant manquent d'équilibre et même si je ne doute pas que ces types de profs existent, que ce soit celle qui humilie l'élève ou celle qui en perd la raison à force de s'identifier à cet enfant, il me semble que ça rend l'ensemble trop irréaliste. Je me demande si mes passages préférés ne sont pas ceux entre Hélène et son psy, avec ce qu'ils comportent d'agacement et de tendresse envers cet homme qui mène la danse:
Je commence à connaître ses interruptions d'expert et ses sournoises stratégies. Il s'est dit que j'allais me débrouiller toute seule avec mes aphorismes de bas étage et ce qu'ils contiennent de sens caché. Que cela ferait son chemin.

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10 février 2018

La narratrice reçoit un coup de téléphone lui annonçant la mort d'une femme qu'elle connût à vingt-six et qui menaça l'équilibre précaire dans laquelle se maintenait sa vie de mère de famille de trois enfants. Elle nous livre alors ses souvenirs de jeunesse, ceux liés à trois jeunes femmes qui l'ont pour le moins troublée, trois histoires avec des points communs souvent dus à la personnalité de la narratrice mais avec des différences liées aux profils des trois jeunes filles : Frankie qui va s'affirmer comme une femme uniquement attirée par des femmes, Linda avec qui elle vivra une correspondance passionnée et Mia, l'ado rebelle.
Ainsi donc les filles étaient des pièges, les yeux des filles, le sourire des filles, l'amour des filles, le corps des filles. Comment s'en sortir? Pouvait-on guérir? Etait-ce dangereux, contagieux, héroïque?
J'ai eu l'impression d'assister à l'éveil sentimental d'une jeune fille qui ne savait même pas que l'homosexualité existait,j'ai été touchée par le récit de la pauvreté dans laquelle elle vivait, mais j'ai aussi été gênée par ce qui me semblait être un règlement de comptes, notamment à l'égard de Frankie. Je pense que ces trois histoires auraient mérité d'être romancées, pour m'éviter de me sentir prise au piège de sentiments presque haineux. Ce qui m'a sans doute le plus intéressée dans ce "roman", ce sont les mystères de la mémoire, qui ne cessent de me fasciner. Il semble que la narratrice se souvienne davantage de ce qui ne fut pas que de ce qui fut concernant ses amours, jusqu'à ce qu'une lettre retrouvée lui rappelle que l'émotion fut partagée.

Actes Sud

28,00
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31 janvier 2018

Je ne fais pas partie des inconditionnelles d'Auster. De lui, j'ai tenté deux romans qui m'ont laissée de marbre et un qui m'a enthousiasmée mais dont je reconnais le côté sulfureux, Invisible. Pourtant, quand j'ai croisé la route de ce roman, en janvier dernier, au WH Smith parisien, impossible pour moi de ne pas être attirée. Il venait de sortir en grand format américain, il était donc énorme avec ses 1000 pages et j'aimais beaucoup la couverture. Pour une fois, j'ai lu la quatrième de couverture pour tenter de comprendre pourquoi Auster avait quitté ses formats relativement courts et j'ai été séduite par l'idée de donner à son personnage principal, Archie Ferguson, quatre destins différents. On sent très vite qu'Archie ne doit pas être très éloigné de l'auteur. Il vit à la même époque, semble avoir les mêmes origines et veut devenir écrivain. En lisant ce roman, on comprend bien (enfin, je l'ai compris ainsi) que la vie est un éternel renoncement, une éternelle croisée des chemins. Or ces chemins, on ne pourra pas tous les prendre. A l'âge de Paul Auster, on peut avoir envie d'imaginer ce qu'auraient pu être ces autres vies, surtout quand on est un écrivain qui a réussi, sinon, j'imagine bien la déprime. Alors, oui, c'est un poil trop long, oui, j'ai sauté quelques phrases mais dès la première page, j'ai travaillé sur un extrait pour l'étudier avec mes secondes avec qui j'abordai Ellis Island et la semaine dernière, j'ai étudié un passage avec mes terminales sur l'enrôlement des jeunes à la guerre du Vietnam. C'est à la fois un destin personnel et celui d'une génération. Il m'a fallu 400 pages pour pouvoir dire que ça me plaisait mais j'ai beaucoup aimé les explications sur la genèse habilement imbriquées dans le roman. La fin de chaque partie surprend et c'est sans doute l'une des grandes réussites de ce pavé. Précisons aussi, comme me le faisait remarquer un collègue d'histoire-géo qu'on en apprend beaucoup sur les mouvements radicaux étudiants. Il y a des réflexions intéressantes sur l'écriture, comme par exemple la différence entre écrire pour la presse et écrire un roman. Et bien sûr, puisque c'est Auster, la sexualité est scrutée sous de bien nombreux aspects, c'est l'avantage d'avoir quatre destins. Vous l'aurez sans doute compris, ce qui m'a séduite, ce n'est pas tant la plume d'Auster que la construction du roman et son contenu historique.